Jadis animée par les mélodies entraînantes de la guitare et les voix vibrantes des artistes locaux, la ville de Bukavu sombre peu à peu dans un silence pesant.
La crise sécuritaire et économique qui secoue l’Est de la République Démocratique du Congo n’épargne aucun secteur, et le monde artistique en paie le prix fort.
« L’art ici chez nous a toujours été difficile, mais actuellement, c’est de plus en plus pire », confie Maisha Bin Solo, artiste local, la voix teintée de résignation. Derrière ces mots se cache une réalité dure : la scène artistique de Bukavu est en train de s’éteindre.
La ville, autrefois bouillonnante de créativité, voit ses studios se vider, ses projets culturels s’essouffler, et ses artistes lutter pour survivre.
Un déclin brutal
L’art, déjà marginalisé dans une région confrontée à des défis majeurs, subit aujourd’hui une double peine: l’effondrement du soutien financier et la raréfaction des opportunités.
« Ceux qui soutenaient autrefois les initiatives artistiques ne sont plus là. Certains sont partis, d’autres se sont exilés. Il n’y a plus ce soutien qu’on avait autrefois », ajoute Maisha Bin Solo.
Cette perte de partenaires, souvent des ONG, mécènes ou collectifs artistiques, a fragilisé un écosystème déjà précaire.
Les artistes qui, auparavant, parvenaient à arracher quelques revenus de leurs œuvres, peinent aujourd’hui à joindre les deux bouts du mois.
Le témoignage d’un arrangeur de sons
À Bukavu, Leopard Beat, arrangeur de sons, vit cette réalité de plein fouet. Son studio, autrefois fréquenté par des dizaines d’artistes chaque semaine, est devenu un lieu presque désert.
« Par jour, je pouvais enregistrer deux à trois artistes. Par semaine, jusqu’à dix. Mais ces derniers temps, j’enregistre parfois seulement deux ou trois dans toute la semaine, voire aucun », déplore-t-il.
Selon lui, ceux qui viennent encore le faire ne sont souvent là que pour « s’amuser », sans moyens pour payer. Le travail rémunéré, lui, est devenu une rareté.
Malgré ce contexte difficile, Léopard Beat a transformé son studio en un refuge. Son studio est devenu un lieu d’accueil pour beaucoup d’artistes qui n’ont nulle part où aller.
«Ils viennent ici pour passer du temps, pour partager des moments ensemble. Et moi, ça me plaît bien », témoigne-t-il. Dans cette simplicité, la solidarité entre artistes devient une réponse à la précarité.
L’espoir au bout des cordes
Si la scène artistique de Bukavu traverse une période sombre, elle n’est pas totalement éteinte. Les artistes, animés par une passion, continuent à créer, même dans l’adversité.
Certains espèrent un retour à la stabilité pour raviver la flamme de la culture locale, d’autres misent sur les réseaux sociaux et les plateformes numériques pour donner un second souffle à leur art. Mais sans un soutien institutionnel, économique, et logistique, la renaissance artistique de Bukavu restera un rêve suspendu aux fils fragiles de la résilience.
Article produit dans le cadre du projet Habari za Mahali, du consortium RATECO et REMEL avec le soutien de Media4dialogue de La Benevolencija.