Nichée au cœur des collines surplombant le lac Kivu, la ville de Bukavu fait face à une crise silencieuse mais persistante : l’accès à l’eau potable. Pour de nombreux habitants, cette ressource vitale demeure un rêve lointain. Malgré l’abondance apparente du lac et des sources environnantes, la réalité quotidienne est marquée par une pénurie chronique et une organisation précaire de l’approvisionnement.
Dans plusieurs quartiers de la ville, les longues files de récipients multicolores sont devenues un élément banal du paysage urbain. Sur l’avenue SINELAC, en commune d’Ibanda, comme dans d’autres quartiers périphériques, les familles remplissent leurs bidons dans des points d’eau improvisés, souvent à même le sol ou à des sources non sécurisées.
Une corvée d’eau éreintante et risquée
La quête de l’eau est un exercice quotidien exténuant, mobilisant souvent femmes, enfants et personnes âgées. Certains doivent parcourir plusieurs kilomètres à pied pour atteindre un point d’eau. D’autres patientent des heures dans des files interminables, dans l’espoir d’obtenir un peu de ce liquide vital.
« L’eau que nous utilisons provient parfois de mares ou de sources sales. Nous n’avons pas le choix », confie une habitante de SINELAC.
Outre l’épuisement physique, cette situation entraîne de graves conséquences sanitaires. Des maladies hydriques telles que les infections intestinales, les mycoses et les affections cutanées sont fréquentes, surtout chez les enfants.
« L’eau qu’on trouve est puissante, oui, mais dangereuse. Elle transporte des champignons et parfois des parasites invisibles », explique un habitant, inquiet pour la santé de ses proches.
Des factures incompréhensibles pour une eau inexistante
Paradoxalement, plusieurs ménages se plaignent de recevoir des factures de la REGIDESO alors qu’ils n’ont jamais vu couler une goutte d’eau de leurs robinets. « Nous sommes facturés alors qu’il n’y a même pas de tuyaux fonctionnels dans notre avenue. C’est injuste », dénonce une mère de famille. Cette situation suscite colère et incompréhension, d’autant plus que l’eau est un droit fondamental.
Une régie dépassée par la demande
De son côté, la Régie provinciale de distribution d’eau reconnaît les difficultés rencontrées dans la desserte. Elle évoque des infrastructures obsolètes, un réseau insuffisant et un déficit de captation des sources. « Nous travaillons à l’élargissement de notre réseau, notamment par la captation de nouvelles sources pour mieux alimenter les zones mal desservies », assure un responsable local.
Mais les habitants, eux, restent sceptiques. En attendant des solutions durables, ils doivent composer avec des systèmes souvent dangereux et coûteux.
La situation de l’eau à Bukavu s’inscrit dans un contexte plus large de crise. Entre insécurité chronique, déplacements de population et pauvreté généralisée, les conditions de vie deviennent chaque jour plus dures. L’eau, ressource de base, devient un indicateur poignant de cette misère quotidienne.
Article produit dans le cadre du projet « Habari za Mahali », un projet du consortium RATECO, REMEL avec le soutien de Media4Dialogue de La Benevolencija.