Le mouvement « casque vert » alerte l’autorité provinciale du Sud-Kivu sur les dangers que présentent les lacs Kivu et Tanganyika en passant par la rivière Ruzizi avec les déchets qui y sont déversés régulièrement.

Dans une lettre adressée au gouverneur de la province du Sud-Kivu et parvenue à labeur.info, ce mouvement déplore le silence des autorités quant à cette situation.

Le casque vert pense qu’il est temps que l’autorité provinciale se préoccupe de cette question pour prévenir le pire.

Dans ce numéro, nous vous proposons l’intégralité de cette correspondance.
Excellence monsieur le Gouverneur de la Province du Sud-Kivu,
Ce 2 Février 2021, jour où l’humanité entière célèbre la Journée mondiale des zones humides, pour commémorer la signature de la Convention sur les zones humides faite dans la ville iranienne de Ramsar le 2 février 1971, le mouvement citoyen et écologiste « Casque Vert » et ses partenaires de la société civile de terrain n’ont rien de nouveau à vous rappeler si ce ne sont que des choses que vous connaissez déjà.

Tout en mettant en exergue l’énorme potentiel en zones humides que regorge notre province comme : les tourbières et les marais, les rivières et les lacs, les plaines inondables et les forêts inondées, les rizières… nous vous écrivons aujourd’hui pour essentiellement vous alerter sur la situation calamiteuse des lacs Kivu et Tanganyika en passant par la rivière Ruzizi.

Vous êtes certes sans ignorer, Excellence Monsieur le Gouverneur de Province, le large éventail de services éco-systémiques qu’offrent ces deux vastes étendues d’eau que mère nature a offert généreusement à la province que vous avez l’honneur de gouverner et qui contribuent au bien-être humain de votre population dans des secteur divers et variés tels que : les échanges commerciaux, la nutrition, l’approvisionnement en eau et électricité, le climat et la réglementation des inondations, les possibilités de loisirs et de plus en plus, le tourisme.

Excellence, vous et nous, dirigeants et dirigés, semblons pourtant participer activement à un délabrement systématique de ces deux lacs et la rivière Ruzizi tandis que chacun essaie de lire dans les yeux de l’autre un regard trahissant un délit éventuel contre notre nature, notre mère commune.

Excellence Monsieur le Gouverneur, nous savons que vous le savez mais nous ne le rappellerons jamais assez, tout comme le corps humain, la nature est très rancunière et ne laisse rien passer. Vous sur-dépensez votre corps par la force de la jeunesse, il vous rend : lombago, torticolis et courbatures… par le poids de l’âge au fil des années.

Notre corps lui-même est constitué d’éléments de la planète : Son air nous donne le souffle et son eau nous vivifie, nous restaure. Mal gérer, ces éléments dont l’air et l‘eau peuvent constituer un danger mortel pour l’humain, comme c’est déjà le cas aujourd’hui avec nos deux lacs Kivu et Tanganyika.

Excellence Monsieur le Gouverneur, votre province dispose, de nos jours, de deux lacs tueurs, mais tenez : Ces lacs ne font que se venger de la barbarie humaine, de la criminalité écologique dont ils sont obstinément victimes.

Pour ce qui concerne, principalement, les villes dressées sur les berges de ces lacs Kivu et Tanganyika, nous citons Bukavu, Uvira et Baraka, trois problèmes majeurs se dégagent à savoir :

1. Les constructions anarchiques dans le mépris total des instruments juridiques et administratifs existants
2. L’absence d’une politique adéquate de gestion des déchets (solides, liquide et gazeux)
3. La déforestation des bassins versants.
Voilà les causes, la trimourti, au cœur du malheur de votre population riveraine, que cela soit par épidémie (malaria, cholera et autres) ou par érosions et éboulements récurrents.

À Bukavu, par manque de décharges publiques, tous les déchets sont charriés par les eaux de ruissèlement et les rivières qui traversent la ville et sont jetés en plein estomac du lac Kivu sans traitement aucun.

Il existait pourtant à Bukavu, des centrales d’épuration des déchets et des égouts qui pourraient être de nouveau exploités avec un brin de courage et de volonté politique dont vous êtes le garant en province, Excellence. Nous vous citons ici la centrale d’épuration des eaux usées et des toilettes de la commune de Bagira sur la traversée de la rivière Nyachiduduma vers le collège saint Paul (La commune qui vous a vu naitre et grandir) et celle de Kadutu situé vers les deux poteaux de l’avenue industrielle dans la commune populaire de Kadutu.

Ces centrales purifiaient les déchets des toilettes et les eaux usées et ces eaux atteignaient le lac en étant propre sans aucun brin de nuisance aux écosystèmes du lac.

Excellence, Monsieur le Gouverneur, si vous aimez votre peuple, ces installations et leurs services administratifs se doivent d’être réhabilitées, n’en déplaise à ceux qui disent que ces terrains pourtant domaines privés de l’Etat auraient déjà été spoliés par nous ne voulons savoir qui.

Des terrains d’utilité publique, ô combien vitaux pour la santé communautaire de toute une population ne peuvent être spoliés sous votre barbe, Excellence.

Supposant, car tel est notre ardent souhait, que les bruits qui courent les rues sur une éventuelle spoliation des terrains abritant les vestiges de la centrale d’épuration des eaux usées de Bagira et celles de Kadutu à l’endroit dit deux poteaux ne sont que rumeurs ;

Nous, Mouvement citoyen écologiste Casque Vert avec le soutien des toutes les forces de la société civile dans sa diversité au Sud Kivu impliquée dans les plaidoyers environnementaux et les forces vives de la jeunesse, exigeons que ces installations se remettent en état, en toute urgence sous votre gouvernance. Ainsi on comprendra excellence, ce que ça veut dire « Gouverner autrement ».

Excellence, Monsieur le Gouverneur, vous avez initié, pour faire la paix avec nos morts, une campagne visant à détruire les maisons qui troublent le repos éternel de nos aïeux, parents, frères et sœurs ; nous vous en remercions et vous encourageons cependant à faire, avec le même courage, la même vigueur, pareil pour ces riches envahisseurs de nos lacs qui par cupidité, réduisent le potentiel halieutique et touristique, avec les conséquences économiques désastreuses que cela engendre. Les pauvres n’ont plus jamais accès aux délices de nos lacs. Insoumis, nos lacs risquent d’eux-mêmes de reprendre leurs parcelles et se remettre dans leurs droits.

Par le tremblement de terre du 3 février 2008 le lac Kivu a tenté de faire réaliser à certains riverains pour la première fois de leur vie qu’il était capable de se venger, mais ils ne veulent pas comprendre. Ils devraient comprendre combien ce lac était aussi capable d’une désastreuse catastrophe, il ne faut pas qu’ils pensent avoir le monopole de la bêtise. Ceci ne passe pas sans dire mot sur une possible explosion gazeuse du dioxyde de carbone enfoui dans ce lac.

Plus récemment encore un exemple plus criant aura été celui des inondations récentes et continues d’Uvira. Autant l’humain a besoin de poumons pour respirer, la planète a aussi besoin des arbres pour vivre. La catastrophe, carnage écologique d’Uvira a un remède excellence : le reboisement des collines et montagnes qui surplombent la ville, la canalisation des eaux, le reboisement du bassin versant du lac, le respect de 6 mètres des rives interdits à la construction par nos lois et l‘éducation environnementale des populations.

Votre province est malheureusement une sorte d’hécatombe des financements tant externes qu’internes face à des crises humanitaires récurrentes mais malheureusement, nos organisations travaillant dans le secteur environnemental semblent les plus oubliés à la fois par vous-mêmes et par les bailleurs externes qui préfèrent appuyer les conséquences plutôt que d’appuyer nos organisations qui travaillent jour et nuit pour éviter causes à la base de nombreux risques naturels qui conduisent à des catastrophes humanitaires.

Excellence, au-delà d’un regard méticuleux que vous vous devez de porter sur la mobilisation et la gestion des recettes publiques de la province, ouvrez l’œil et le grand sur ces financements extérieurs en province et exigez sur les vraies priorités de la province.

Un bon dirigeant et celui qui sait :
1. Faire rêver son peuple et ainsi le ranger dans sa philosophie de développement ;
2. Etre exigeant sur les fonds extérieurs qui mal gérés n’aident en aucun cas la province à avancer et garde la population dans une sorte d’attentisme sans aucune appropriation.

Excellence, Monsieur le Gouverneur, vous êtes le seul maitre à bord et vous avez le bâton de commandement pour couler ou pour sauver le navire qui transporte votre peuple sudkivutien.

Nous ne pouvons finir cette correspondance sans vous alerter sur l’insécurité animalière qui se fait aujourd’hui monnaie courante dans la plaine de la Ruzizi. Dans l’espace de moins de 6 mois, deux hippopotames se sont fait abattre par des impénitents criminels écologiques. Nous vous prions d’appuyer nos efforts dans la conservation de ces hippopotames de la plaine de la Ruzizi qui sont exposées régulièrement à la criminalité humaine.

Nous voulons vous voir vous impliquer personnellement dans ce dossier qui fait frein à la paix verte dont pourrait se venter votre province, décourageant ainsi les investisseurs dans le secteur du tourisme.

Enfin, Excellence, pour la santé des espèces humaines, animales et végétales vivant autour et dans la rivière Ruzizi, faisant suite aux multiples demandes de la société civile environnementale et des jeunes champions de la conservation de la nature ainsi que de l’organisation KIVU TERRA NOVA spécialisée dans les plaidoyers scientifiques pour la conservation de la nature, nous exigeons la délocalisation urgente de la décharge publique de l’ELAKAT qui pollue en permanence la Rivière Ruzizi et le lac Tanganyika avec des gravissimes répercussions sur le fonctionnement des centrales hydroélectrique situées sur cette rivière, Ruzizi 1 et 2.

Votre excellence, il existe des instruments juridiques et administratifs tant au niveau national qu’au niveau provincial, tant sur la gestion des déchets en province que sur la gestion de l‘environnement en RD Congo et la question reste de savoir si les institutions censées faire appliquer ces textes se moquent de l’autorité signataire de ces textes. Nous citons ici l’édit de l’honorable mwamikazi Esperance BAHARANYI N° 001/2013 du 25 Novembre 2013 portant gestion des déchets en province du Sud-Kivu, et la loi n° 11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatif à la protection de l’environnement en RDC ainsi que le décret n° 17/018 du 30 décembre 2017 portant interdiction de production, de commercialisation et d’utilisation des sacs, sachets, films et autres emballages plastiques.

Nous exigeons dans un bref délai, la tenue d’un atelier d’évaluation de la mise en œuvre de ces textes salutaires pour la survie de nos zones humides et la vie communautaire et publique qui en dépend.

Cet atelier qui prendra en compte, toute les parties prenantes y compris : le gouvernement provincial, l’assemblée provinciale, OCC, PNC, DGM, FEC… pourrait se tenir au mois de mars 2021.

Excellence Monsieur le Gouverneur, vous avez la responsabilité historique de sauver notre lac Kivu, notre lac Tanganyika et notre rivière Ruzizi car gouverner autrement c’est aussi pour la première fois mettre la question environnementale au centre de ses préoccupations, pour prouver la rupture avec vos prédécesseurs.

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