L’accès des femmes à des postes de responsabilité demeure un casse-tête dans le territoire de Walungu malgré le nombre élevé des femmes dans cette partie de la province du Sud-Kivu, à l’est de la République Démocratique du Congo. Pour preuve, sur 16 groupements et deux chefferies que compte ce territoire, seul le groupement de Nduba est dirigé par une femme, Madame Aldegonde M’ Bashige Mamimami. Cette faible participation de la femme à des postes décisionnels est justifiée par des préjugés que développe la population locale sur les capacités des femmes à gérer.
« C’est vraiment un problème sérieux ici chez nous. La fille du bushi a grandi tout en sachant que la femme ne peut pas diriger. Moi j’ai un diplôme, je me bats pour devenir quelqu’un dans ce territoire mais en vain. Partout, il y a des blocages, du bas au sommet. Même les intellectuels ici ont cette mentalité. J’ai fait plusieurs années dans une entreprise. Je travaillais dur mais lorsqu’on voulait nommer un Chef, il n’y avait pas match. On regardait parmi les hommes malgré ma compétence », regrette Furaha M’Bihembe , femme de Walungu.
La situation est aussi pareille pour d’autres administratifs et politiques dans ce territoire. Maître Venantie BISIMWA, a été candidate député à Walungu en 2018.
« Quant aux élections et aux postes de prise des décisions, c’est autre chose. Les élections signifient aller au pouvoir, accéder aux prestiges et ça, ce n’est pas l’image qu’on a de la femme dans le territoire de Walungu. La femme a l’image de quelqu’un qui sert, pourquoi lui donner encore plus (langage communautaire) ? Donc l’image d’une femme qui dirige n’est pas bien acceptée. L’image de la femme est humanitaire et quand il faut choisir entre l’homme et la femme, pour diriger, ils ne font pas les pas. La société est dominée encore par les hommes, ils dictent l’opinion. Ils choisissent l’homme car il a déjà bénéficié de cette image positive, c’est devenu naturel », déclare cette candidate malheureuse aux récentes législatives.
Ce que dénonce aussi Jules Kabanja, coordinateur de la nouvelle société civile congolaise de Walungu. Pour lui, on doit travailler sur les jugements de valeur dont sont victimes les femmes dans la communauté. Il recommande des actions qui visent à démontrer que la femme de Walungu dispose des capacités et des compétences au même titre que l’homme.
« Nous avons plusieurs fois dénoncé et nous continuons à le faire mais ça persiste. La femme de Walungu n’occupe pas la place qu’elle mérite. Elle est toujours considérée comme une ménagère. Mais pour permettre à ce que la femme puisse accéder à des postes de prise des décisions, on doit travailler sur ces préjugés à travers les actions d’éducation civique et autres. C’est aussi question de conscientiser les femmes car elles sont majoritaires à Walungu, et les hommes aussi. Leur montrer qu’une femme au pouvoir n’est pas une mal éduquée ou immorale. Les stratégies doivent être développées pour lutter contre cette image préconçue qui discrimine la femme. Les autorités doivent s’impliquer urgemment », insiste Jules Kabanja.
Maître Néné Bintu, avocate, souligne que la loi congolaise a déjà tranché sur la question d’égalité entre les sexes. Non seulement en matière des droits mais aussi des résultats. Selon elle, aucun domaine de la vie n’exclut la participation équitable entre homme-femme.
« Notre constitution promulguée le 18 février 2006, à son article 14, parle de la parité homme-femme. Et même l’article précédent bannît toute discrimination fondée sur le sexe. Donc les femmes, de par la loi, doivent briguer ou occuper des postes de prise des décisions équitablement avec les hommes. Et quand vous lisez l’article, il renvoie à une loi organique qui doit organiser la manière dont cette participation de la femme doit être faite (…) Au point 4 de l’article 3, l’égalité est définie comme le fait d’être égale en termes des droits et des devoirs, de traitement des quantités ou des valeurs d’accès aux possibilités et aux résultats y compris aux ressources par les femmes, hommes, filles et garçons. On parle même de l’intégration de la dimension genre qui doit être un processus consistant à identifier les écarts dus au sexe. L’article 4 est beaucoup plus explicite en disant que l’homme et la femme jouissent de façon égale de tous les droits politiques. La femme est représentée d’une manière équitable dans toutes les fonctions nominatives et électives au sein des institutions nationales, provinciales et locales. Si on va à l’encontre de cet article donc on a violé la constitution », renchérit-elle.
À son tour, l’autorité territoriale de Walungu confirme la faible participation des femmes à des postes de prise des décisions. Par ailleurs, l’administrateur du territoire de Walungu indique qu’à son niveau, quelques efforts sont fournis pour essayer d’améliorer cette situation.
« Je travaille avec 4 femmes. Une est Administrateur assistante du territoire chargée des questions politiques, l’autre s’occupe de la jeunesse, l’autre est au service du genre, famille et enfant, et la quatrième aux affaires sociales. Ce n’est pas suffisant car on a plus ou moins 20 services. C’est ma hiérarchie qui désigne, moi je lui fais souvent des propositions. Mais on ne croise pas les bras, on essaie de conscientiser la population aussi. La lutte continue », rassure Monsieur Lokuli Kombe.
Plus d’un observateur pense qu’au-delà des femmes, les hommes doivent être aussi sensibilisés dans cette partie de la province du Sud-Kivu sur la masculinité positive. C’est-à-dire des sensibilisations qui démontrent que l’homme, à tout seul ne peut pas y arriver. D’où la nécessité de conjuguer des efforts pour le développement intégral du territoire de Walungu.
Grâce Lola, Labeur Info, JDH/JHR-RDC