Une perturbation climatique s’observe depuis quelques mois sur toute l’étendue de la République Démocratique du Congo. Celle-ci se manifeste de différentes manières, selon la réalité de chaque région. De fortes chaleurs d’un côté, de fortes pluies suivies des inondations de l’autre et des débordements des eaux des lacs dont le lac Tanganyika.

Face à cette situation et à la léthargie du gouvernement à donner la vraie information, des rumeurs ont gagné du terrain depuis plusieurs semaines faisant croire à l’opinion que cette canicule est consécutive à l’installation de la tour à flux de Yangambi dans la province de la Tshopo. Sur les réseaux sociaux, on peut lire des messages qui pointent du doigt les gestionnaires de la Tour.

Pour en savoir plus et éclairer l’opinion à ce sujet, LABEUR.INFO a échangé avec un expert du domaine ; Patrick Zoé Cito Namulisa.

Tour de Yangambi

Congolais originaire du Sud-Kivu à Bukavu, il est principalement basé aux États-Unis comme Doctorant – PhD en Ecosystem Ecology and Global Change à Columbia University à New York.

Il est également chercheur-doctorant externe en Spectroscopie Atmosphérique des Gaz à Effet de Serre au sein de l’Institut Royal Belge d’Aéronomie Spatiale (BIRA-IASB) à Bruxelles en Belgique. Il mène une partie de ses recherches sur les forêts du Bassin du Congo ; à Yangambi plus précisément.

Après plusieurs séances d’échanges en ligne, voici ci-dessous le résumé des réponses de Monsieur Patrick Zoé Cito Namulisa à toutes les questions de votre média :

Il faut tout d’abord savoir que les forêts tropicales comme celles du Congo jouent un rôle de premier plan dans la régulation du climat mondial et en même temps, elles subissent aussi les conséquences directes du changement climatique sur leur fonctionnement, biodiversité et résilience. Si l’importance des forêts et leur fonctionnement vis-à-vis du climat et les communautés locales est établie, il est indispensable de savoir comment et pourquoi les effets du changement climatique comme le réchauffement ou les perturbations du cycle de pluies affectent le fonctionnement de la forêt.

C’est là que les chercheurs interviennent avec des projets de recherche répondant à ces questions afin d’aider les décideurs à orienter leurs politiques et les populations à s’adapter aux nouvelles réalités inévitables avec la technologie adéquate et/ou l’information nécessaire.

Si partout au monde, les avancées importantes ont été réalisées sur les recherches autour des forêts particulières telle que celles de l’Amazonie, leurs rôles par rapport au climat, la biodiversité, l’économie verte, le développement des communautés locales, etc., le Bassin du Congo trainait; et ce pour plusieurs raisons, entre autres logistiques (très peu d’universités de haut niveau avec des ressources nécessaires), économiques, politiques publiques environnementales, sécuritaires, etc., cela en dépit de son importance globale car étant la deuxième plus importante forêt après l’Amazonie.

Aujourd’hui, la RDC se qualifie d’un pays solution à cause justement de, premièrement, la présence dans son sous-sol des minerais stratégiques pour la transition écologique et ,en second lieu, la forêt du Bassin du Congo qui aide à stabiliser le climat mondial en stockant des quantités importantes de Carbone émis dans l’atmosphère. Parce que la forêt ne fait pas que stocker le carbone mais émet aussi énormément de gaz carbonique (CO2) par la respiration, c’est essentiel de faire la balance entre les quantités séquestrées et celles émises. L’idéal étant de prendre plus qu’on émet mais comme ces flux sont dynamiques, ils exigent un suivi continu allant sur plusieurs années, qui vous permet de savoir si la forêt est un puit (stocke plus) ou une source (émet plus) de CO2. Cette information est capitale car elle conditionne beaucoup en termes de politique environnementale, de gestion et protection de forêts, et de finances climatique ; éléments dont nous (RDC) avons besoin.

D’ailleurs, jusqu’à récemment (c’est en cours) le gouvernement congolais n’avait pas de chiffres crédibles (que des approximations terribles) de la quantité réelle stockée dans la forêt. Cela cause un frein sur la vente de crédits carbone et l’accès aux fonds pour protéger la forêt. Des éléments qui n’aident ni n’honorent notre diplomatie climatique.

Pour répondre à ce manquement, il faut financer et multiplier les projets de recherche qui se concentrent sur la quantification des flux de carbone par saison et par année, en projetant le rôle futur de la forêt.

C’est ici qu’intervient la Tour à Flux « Flux Tower en anglais ». Les nombreux capteurs qu’on utilise pour faire ces quantifications sur toute la forêt doivent être placés à différents niveaux de hauteur et spécialement à une hauteur légèrement supérieure aux arbres les plus élevés de la forêt ; à Yangambi c’est autour de 40m. Il faut donc une structure durable pour y placer ces nombreux capteurs sur plusieurs échelons en hauteur, et qui vous permet de monter et descendre si besoin pour faire des ajustements (réparations) en toute sécurité et stabilité.

Actuellement la seule technologie utilisée partout dans le monde est la Tour à Flux. Cette tour n’est, en réalité, qu’une structure métallique qui doit monter jusqu’à 55m à Yangambi. Elle ne continent rien du tout et les capteurs qui sont montés n’ont rien à voir avec les humains, et ne constituent un danger pour qui ou quoi que ce soit. L’intox autour de celle-ci est juste ridicule et n’aide le pays en rien.

Alors que nos institutions devraient encourager ces partenaires académiques qui par ailleurs ne reçoivent aucune aide de l’État congolais à multiplier ces tours pour bien étudier notre forêt car il faut signaler ici que le Brésil compte autour de 15 tours, en Californie seulement pas moins de 20. Au lieu ne tout ça, force est de constater que nous on s’adonne à l’intox.

La petite station solaire qui alimente la Tour en électricité ne peut, elle aussi, être responsable des montées des températures, raréfaction ou intensité des pluies. C’est d’un ridicule sans nom qu’il y ait des intellectuels qui pensent ainsi et propagent leur ignorance en lieu de s’informer. La tour n’est en aucun cas un outil économique. Elle est uniquement scientifique, de nature à nous aider à comprendre ce qui se passe dans notre forêt. Elle n’est pas une source de revenus pour les scientifiques mais au contraire un investissement dans la science.

Il faut signaler qu’au contraire, tous les chercheurs qui vont là-bas dépensent énormément d’argent pour faire avancer la science et produire des résultats que notre gouvernement peut utiliser dans sa politique (et diplomatie climatique) et gagner plus de fonds pour préserver ces forêts et aider les populations locales à répondre à leur besoin et à réduire la pression de cette dernière sur ces forêts.

Disons ici que la Tour à Flux de Nyangambi dans la province de la Tshopo partie orientale de la RDC a été conçue par l’Université de Gant en Belgique. Elle permet en clair de quantifier l’échange de gaz à effet de serre entre les forêts du Bassin du Congo et l’atmosphère.

Aujourd’hui, il y a une obligation de quantifier l’apport de la forêt du bassin du Congo dans la stabilité climatique et lutte contre le changement climatique; cela revient à développer la précision de mesures de quantités de carbone séquestré et émis par la forêt pour comprendre le stockage dans la forêt. La tour à flux est la technologie de pointe pour faire ces types de mesures dans le monde et nous en avons un à ce jour. L’unique tour ne suffira pas d’où le besoin d’en ajouter d’autres », conclut Patrick.

Ignace BONANE et Frédéric BAGALWA

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