Au cœur des camps de déplacés de Himbi, à Nyabibwe dans la province du Sud-Kivu, se joue un drame silencieux. Des milliers de femmes, déjà fragilisées par le déplacement et le handicap, sont confrontées à un calvaire quotidien : les violences sexuelles et basées sur le genre. Les affrontements entre les rebelles du M23 et l’armée congolaise ont provoqué un déplacement massif des populations dans la région de Goma.

Des milliers de personnes ont fui leurs foyers, cherchant refuge dans des zones plus sûres, y compris au Sud-Kivu. A en croire l’Organisation Mondiale de Migration (OIM), près de 1,55 million de personnes ont été déplacées au Sud-Kivu, au cours des 12 derniers mois. Parmi ces populations vulnérables, les handicapés sont particulièrement exposés aux violences sexuelles et basées sur le genre, tant dans leur fuite que dans les camps où ils trouvent refuge.

Le calvaire des femmes dans les camps de déplacés

Fatuma Ndusabe, désormais handicapée, porte encore les séquelles d’une violence indicible. « J’étais allée chercher de l’eau loin dans la forêt. Quand je descends chercher de l’eau, ils me tendent une embuscade et ils m’ont violée. » Cette tâche quotidienne, essentielle à la survie, s’est transformée en un véritable parcours du combattant où le danger guette à chaque coin de chemin. Son témoignage est loin d’être isolé. Les violences sexuelles sont devenues une réalité quotidienne pour de nombreuses femmes réfugiées.

La double peine : violences physiques et psychologiques

Furaha Baraka, mère de famille, a également subi des atrocités. « Ils ont commencé à nous poignarder, ceux qui ne sont pas morts ont continué à fuir. » Outre les blessures physiques, ces femmes portent également les cicatrices psychologiques de ces événements traumatisants. « Mon mari est mort sur le champ de bataille, laissant derrière lui nos quatre enfants. » La guerre les a privées de leurs proches et les a plongées dans une détresse immense.

La vulnérabilité des femmes : un cercle vicieux

La précarité de leur situation les rend encore plus vulnérables. « Si tu veux que tes enfants mangent, tu dois travailler pour un habitant, mais après avoir travaillé, ils refusent de te payer et disent que tu dois coucher avec eux pour obtenir ton salaire. » Ce chantage à la survie les expose à de nouvelles violences et les enferme dans un cercle vicieux.
« Si tu tombes malade dans le camp, tu ne reçois aucun soin. Lorsque tu vas chez le docteur, il te demande de l’argent. »

L’accès aux soins de santé est limité, aggravant leur vulnérabilité et les empêchant de se reconstruire. Les droits humains bafoués malgré les initiatives locales Joseph Paka, chef de division provinciale des droits humains au Sud-Kivu, confirme les violences subies par les déplacés et souligne l’importance d’identifier les responsables : “Nous sommes en train de mener l’enquête pour identifier les auteurs de ces violences car c’est un groupe non identifié. À la fin, nous espérons avoir un dossier bien clair.”

Face à cette situation alarmante, les autorités locales mettent en place des mesures concrètes : “À titre d’effort, nous sommes en train d’implanter des antennes des droits humains dans chaque groupe. Avec ces efforts, nous allons limiter les violences des droits humains dans ces endroits”, explique Joseph Paka.

Les organisations de la société civile en première ligne contre les VSBG

Dans la région, service d’accompagnement et de renforcement de capacités pour l’auto-promotion de la femme (SARCAF), une organisation de la société civile, mène des actions concrètes pour lutter contre les violences basées sur le genre (VSBG). “L’objectif de ce projet est de réduire les violences, y compris les violences basées sur le genre, en s’attaquant aux causes profondes et en fournissant des services et du soutien appropriés aux victimes”, explique Paul Balolebwami, chargé de projet au sein de SARCAF. Pour atteindre cet objectif, l’organisation met en place des activités de prévention ciblées.

SARCAF a identifié plusieurs leviers d’action pour prévenir et combattre les VSBG. “Nous avons des activités de prévention sur les violences basées sur le genre. Nous avons identifié plusieurs mesures de mitigation pouvant aider les femmes à prévenir et à lutter contre les violences basées sur le genre. Nous renforçons également le plaidoyer auprès de l’État et des organisations humanitaires qui viennent en aide aux femmes victimes de violences basées sur le genre et de violences sexuelles”, poursuit Paul Balolebwami.

Le cadre légal congolais face aux violences basées sur le genre

Maître Innocent Nyakura, chargé de clinique juridique au sein de SOS Information Juridique Multisectorielle, souligne l’existence de lois spécifiques comme celle de décembre 2002, qui “est venue réprimer de manière rigoureuse toute forme de violences faites aux femmes dans notre pays”. Cet instrument juridique a posé les fondements de la protection et de la réparation des femmes victimes de violences.

Plus récemment, la loi de 2022 a renforcé ce dispositif en élargissant la protection à toutes les victimes de violences basées sur le genre, quel que soit leur sexe.

Selon Maître Nyakura, “avec cette loi, il y a des mécanismes de protection des victimes”. Ces mécanismes, bien qu’existant sur le papier, doivent encore faire l’objet d’une mise en œuvre effective sur le terrain pour garantir une protection concrète aux victimes et une dissuasion efficace des auteurs de violences.

Par Lucien MIGABO

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