Les cas des violences sexuelles continuent de s’enregistrer à l’égard des femmes dans plusieurs coins de la province du Sud-Kivu. En territoire de Kalehe, une dizaine de femmes ont été violentées le mois de juin dernier par des membres d’un groupe rebelle actif dans cette partie de la province du Sud-Kivu.
Dans la plupart des cas, les victimes ne bénéficient pas de la prise en charge psychologique et sociale bien que cela s’avère nécessaire pour leur bien-être psychologique.
Selon le rapport du groupe d’alerte précoce « GAP » mis en place par l’association des femmes des médias, AFEM, dans le groupement de Kalonge en territoire de Kalehe, des femmes victimes du viol et celles accusées de sorcellerie ne bénéficient pas souvent de la prise en charge holistique.
Jean-Baptiste Shasha, point-focal du GAP Kalonge renseigne d’ailleurs que, les dernières victimes du viol dans leur territoire n’ont reçu que les soins d’urgence dans une structure sanitaire du milieu.
Tatiana Mukanire Bandilire, coordinatrice du mouvement national des survivantes des violences sexuelles en République démocratique du Congo, affirme pour sa part que la prise en charge psycho-sociale reste le meilleur moyen pour soulager les souffrances des victimes.
“On a toujours oublié que les violences sexuelles détruisent beaucoup plus que le physique et que la prise en charge doit être globale et holistique. Il faut prendre en charge la personne dans toute son entièreté (physiquement et moralement). D’où, la prise en charge médicale, psychologique, et une réinsertion sociale et économique si possible”, explique Tatiana.
Elle poursuit ses propos en affirmant que ; “les ONG peuvent répondre en urgence mais de fois n’ont pas tout le paquet pour la prise en charge. Il faudrait que les intervenants dans le domaine projettent une prise en charge globale sinon ça serait soigné partiellement une personne. Les retombées seraient des personnes psychologiquement malade jusqu’à devenir folle ou pensée à se suicider. Nous trouvons des familles qui au même titre que la victime sont traumatisés. Nous avons même des familles détruites et d’autres séparées ».
Mukanire laisse entendre que la plupart des survivantes manifestent le besoin d’encadrement psychologique et d’un accompagnement pour une bonne réinsertion dans la société.
Pour parvenir à la bonne prise en charge psychologique et sociale des victimes, notre source explique que cela doit commencer par la mise en place de structures de prise en charge ou centres d’écoute. Tatiana insiste aussi sur la formation d’assistants psychosociaux qui doit être supervisée par des psychologies.
De son côté, Barthélémy Akuzwe, psychologue clinicien, renseigne que l’aspect psycho-social s’avère nécessaire dans l’intervention médicale des survivantes des violences sexuelles pour leur assurer une prise en charge totale.
“Il y a plusieurs formes de prise en charge mais des toutes, l’aspect psycho-social est aussi très important, surtout pour les survivantes des violences sexuelles”.
Si cet aspect n’est pas pris en considération, il doit y avoir plusieurs conséquences chez les survivantes. “Imaginez, explique-t-il; une femme qui a été violée, elle doit avoir besoin d’un accompagnement psychologique et sociale pour qu’elle se sente réintégrer dans la communauté. Si cela n’a pas été fait, c’est ce qui justifie le fait que parfois vous pouvez voir des survivantes manifester des troubles psychologiques, juste parce que la prise en charge n’a pas été bien assurée », laisse entendre Barthélémy Akuzwe.
Des organisations de la société civile qui sont des proximités avec des membres des communautés dont les survivantes, soutiennent aussi la nécessité de la prise en charge. C’est de Women vision Ketsia Zawadi Cyrile sa coordinatrice soutient que, « L’écoute et des conseils aident les survivantes à surmonter le stress post-traumatique, la peur, les cauchemars ou encore la dépression”.
Pour elle, “L’appui psychosocial s’accompagne normalement d’une aide à la réintégration sociale. C’est pourquoi, le gouvernement devrait se pencher plus sur la mise en œuvre effective du protocole national de prise en charge psycho-sociale et de santé mentale des survivantes des viols. C’est vraiment urgent parce que nous continuons à enregistrer des cas des viols au Sud-Kivu. Le seul mois de juin passé, on a encore enregistré 16 cas des viols de 16 femmes qui revenaient du marché à Kalehe », rappelle-t-elle.
Réagissant à ce sujet, la division provinciale de la santé reconnaît qu’il y’a encore des défis qui restent à relever en rapport avec la question de prise en charge psychosociale des victimes des viols en province du Sud-Kivu.
Néanmoins, elle reconnaît des efforts qui sont en train d’être faits tant par le gouvernement provincial que par les organisations œuvrant dans ce système pour aider les survivantes à accéder aux soins psychologiques pour leur insertion sociale.
“C’est sûr que nous ne sommes pas à un niveau voulu mais la volonté est là et nous pensons que le gouvernement et ses partenaires intervenant dans le domaine de santé pourront encore faire mieux”, renseigne Docteur Claude Bahizire, chargé de communication à la DPS.
Barthelemy Akuzwe recommande à l’exécutif provincial de s’impliquer dans l’accompagnement des organisations qui interviennent dans la prise en charge ; « Que le gouvernement provincial s’investisse davantage pour appuyer les organisations qui se sont lancées dans l’accompagnement et la prise en charge des victimes des violences sexuelle pour une assistance complète aux survivantes », propose-t-il.
En appuyant les propos de Barthelemy, des organisations de défense des droits des femmes émettent le vœux de voir le gouvernement inscrire la prise en charge psychologique dans les soins de santé primaires afin de permettre aux survivantes, d’être traité conformément aux normes sanitaires et en toute urgence.
Women Vision soutient cela et lance un appel au gouvernement congolais de mettre en œuvre le protocole national de prise en charge psycho-sociale et de santé mentale pour les survivantes des viols en RDC et au Sud-Kivu en particulier.
Il est à rappeler que le protocole national de prise en charge psycho-sociale et de santé mentale des survivants des viols signé en juin 2012 souligné que, «Toute survivante a le droit de recevoir un soutien médical et psychosocial ».
Patrick MAKIRO/JDH