Au Sud-Kivu, on compte des milliers des survivants et survivantes des violences sexuelles et basées sur le genre. Il n’en demeure pas moins que les femmes et les filles sont affectées de manière disproportionnée par la violence qu’exercent des hommes pour les subordonner, les déposséder de leur pouvoir, les punir ou les contrôler.

Les organisations de défense des droits humains, les sociologues, les survivantes ainsi que les députés en province dénoncent la quasi-inexistence des structures de prise en charge psycho-sociale des survivants.

Le témoignage poignant de cette soixantenaire le confirme. Pendant plus de 40 ans, elle vit sous la domination de son tyran de mari.

Fort malheureusement, tout comme des milliers des femmes dans le Sud-Kivu, elle n’avait pas connaissance de l’existence des services sociaux.

« Je suis mariée depuis l’âge de 19 ans. Aujourd’hui, je suis déjà très âgée comme vous pouvez le voir. Mais mon époux ne m’a jamais considérée. Il me battait. Il m’a interdit de travailler. Il porte des propos discourtois sur nos enfants. Même quand c’est lui le fautif, il me fait porter le chapeau. Aujourdhui, mes enfants ont du mal à échanger avec leur père. Nombreux parmi eux n’ont pas fini les études, d’autres ont fait des enfants ici chez moi étant enfants eux-même et je dois m’en occuper. Et ceux qui sont mariés, je ne peux pas dire qu’ils sont des références pour leur entourage. Je tentais de parler de mes problèmes à ma défunte mère mais elle refusait de m’écouter… Je n’entends pas souvent parler de ces services sociaux mais comme vous en parlez déjà, je pense que ces centres de detraumatisation peuvent sauver des vies y compris celle de mes enfants,… », dit la soixantenaire avec regret.

En date du 5 janvier 2022, Charline Safi, journaliste à vision Shala sous station de Shabunda, alors âgée de 21 ans a trouvé la mort de suite des coups et blessures lui infligés par son mari.

Agnès Sadiki, responsable de l’association TGDP (Tous pour le Genre, la Paix et le Développement) estime que la responsabilité de cette mort est partagée.

« Tenez par exemple, nous avons appris que son bourreau de mari la battait, la maltraitait régulièrement. Si par exemple, elle n’a pas su se défendre, porter plainte ou parler de ce qui lui est arrivé, c’est peut être parce-que, tout comme un grand nombre des femmes, elles ne sont pas comprises par la société… Et n’ont nul part où se confier. Je pense que l’absence des structures adéquates de prise en charge psychologiques des femmes qui sont victimes des violences conjugales contribuent négativement à ce qui est arrivé à la pauvre Charline et également le silence coupable et complice de la communauté pour détraumatiser la victime. Doù la nécessité pour TGDP et autres acteurs de plaider pour la multiplicité des structures adaptées dans les milieux ruraux où sobserve l’accroissement des VSBG. Il faut absolument former le personnel soignant et sensibiliser les communautés pour briser le silence ».

En plein centre ville de Bukavu, par manque d’appui et d’informations suffisantes, plusieurs victimes d’abus sexuels recourent aux réseaux sociaux tels que Facebook pour y exposer leur problème. C’est le cas de cette trentenaire, interrogée en date du 20 janvier 2022 et dont nous taisons le nom.

Non seulement, elle subit des violences physiques, économiques, mais également des chantages émotionnels.

“Je vis dans ce foyer pour que mes enfants grandissent avec leur papa. Mais franchement, je suis triste. Nous sommes mariés depuis mes 18 ans, donc je n’ai pas fini mes études. A chaque fois, il me rappelle qu’il s’est marié par force vu que j’étais tombée enceinte, ce qui avait fait que nos parents précipitent le mariage. Quand il me donne de l’argent, il l’accompagne des insultes. Il m’a un jour dit qu’il me paie pour l’acte conjugal. Vous vous imaginez ? Il a pu obtenir son diplôme mais moi je ne peux pas car je dois m’occuper des enfants qui sont encore petits”, dit-elle en se retenant de pleurer avant de poursuivre “nombreuses gens pensent que je suis la méchante et mon époux est parfait ; ainsi sur Facebook que je me vide mon esprit, nous voyons dans des films comment les gens qui sont dans le même cas que nous sont bien traité par leur Etat, pourquoi on ne fait pas cela ici chez nous ? Jentends parler de psychologue, mais où trouver les moyens de les payer?”.

Droit à la protection

 « Les répercussions peuvent inclure les personnes qui dévoilent des violences basées sur le genre de la part des auteurs eux-mêmes, dindividus protégeant les auteurs ainsi que des membres de leur propre famille dans les cas où lhonneur familial est invoqué, raison pour laquelle lautorité doit penser à la prise en charge des survivantes. Ceci les amènerait à reprendre confiance en soi et de se battre », souligne Nina Nsiku sociologue de formation et coordinatrice nationale de l’organisation Pona Basi.

Pour Dévote Chiregano Mulangano, coordonnateur du PNSM (programme national de la santé mentale) au sein de la division provinciale de la santé du Sud-Kivu.

« Peu d’actions étaient jusque-là accordées aux aspects psychosocials lors de la prise en charge des survivantes des violences sexuelles en RDC ignorant que les problèmes psychiques peuvent précéder, accompagner et rester après l’acte, les troubles physiques ou moraux… On devrait normalement songer à l’installation des structures de renforcement à celles qui existent déjà », martèle-t-il.

Difficultés dintervention

Le groupe de travail protection de lenfance mis sur terrain par lorganisation PONA BASI a documenté dans la province du Sud-Kivu entre janvier et juin 2021 ; 250 cas d’incidents graves des violations des droits des enfants de suite des violences sexuelles et basées sur le genre.

Ce que confirme Jean-Claude Basinyize, superviseur chez SOS SIDA, une organisation qui accompagne les survivants des VSBGs.

« …l’appui psychosocial saccompagne dautres appuis (accès à la justice, réintégration socio-économique, etc) à travers le système de référencement. A partir de la quatrième séance de psychothérapie, le survivant est éligible à la réintégration socio-économique et scolaire. Laccès à la justice dépend de la volonté du survivant qui est sensibilisé sur le bienfondé de cet aspect tout au long de sa cure psychothérapeutique, mais la distance entre les structures de prise en charge et les survivants ou la quasi absence dune clinique psychologique intégrant la psychiatrie sont également des obstacles importants.

Face à cette situation, l’autorité semble perdue

La commissaire provinciale en charge des affaires sociales, genre, famille et enfant dénonce cette insuffisance des structures de prise en charge des survivants des violences sexuelles.

«  Depuis des années, des organisations féminines et lEtat congolais font de leur mieux pour accompagner les survivantes de violences sexuelles, mais il s’observe que nos efforts ne suffisent pas, mais nous y travaillons ».

A la député provinciale Balandine Kalafula, élue de Mwenga de compléter.

« Ce n’est pas normale que les enfants et les survivant(e)s de violences sexuelles de tout genre puissent manquer d’appuis psychosociaux et pourtant nous savons qu’il y a des textes tant nationaux quinternationaux qui garantissent leur accompagnement, leur protection, ce ne sont pas les moyens qui manquent “.

Droit à la non-discrimination

Tout le monde a le droit de recevoir la meilleure assistance possible, sans faire lobjet de discrimination fondée sur le sexe, lâge, le handicap, la race, la langue, lappartenance religieuse ou politique, lorientation sexuelle ou la classe sociale.

Selon Solange LWASHIGA, coordonnatrice du caucus des femmes pour la paix abonde dans le même ordre d’idées.

« Dans nos activités de tous les jours, nous sommes face aux femmes, filles et enfants qui sont victimes des violences. Elles vivent avec ce stress, ce traumatisme au quotidien et cela les affecte sur tous les plans. Social, économique, politique, sanitaire et autres. Les enfants qui sont aujourd’hui dans la rue, d’autres devenu orphelins de suite de ces violences, on en compte presque tous les jours”, s’indigne cette activiste des droits de la femme.

En se basant sur les textes légaux, elle martèle “les auteurs méritent condamnation suivant les articles 44, 45, 46 et 48 du code pénale congolais qui répriment les infractions des meurtres ainsi que les coups et blessures et réparer préjudices commis aux victimes survivant conformément à larticle 258 du code civile, livre trois. Mais aussi, plusieurs articles de la résolution 1325 dont la RDC est signataire garantissent la protection et promotion de la femme survivante des violences sexuelles ».

Notons que fin janvier 2022, lors d’une marche organisée par AFEM, dans le cadre d’un plaidoyer pour réparation des dommages et justice pour les survivantes des violences sexuelles dans la ville de Bukavu, les parties prenantes à cette marche avaient fait mention d’une proposition des lois portant essentiellement sur la protection des victimes des VSBGS, une proposition qui jusqu’à présent serait entre les mains de la conseillère du chef de l’État en matière des droits de la femme et lutte contre violences sexuelles, mais resée sans suite.

Ce travail est réalisé grace à l’appui financier et technique de l’organisation Journaliste pour les Droits Humains, JDH et de Journaliste pour la Promotion de la Démocratie et des Droits Humains, JPDDH en partenariat avec la fondation américaine NED.

Materne NSIKU

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