Rédaction De mémoire d’homme, jamais on n’a vu une telle marée humaine de prisonniers, tout euphoriques, sortir librement de ce centre pénitentiaire de rééducation en marchant, en courant, comme s’ils étaient pressés de s’éloigner de ce lieu de détention où certains ont passé des mois, voire des années.
Franchement, on aurait cru assister à une évasion spectaculaire, similaire à celles que l’on voit dans certains films.
À propos, les images vues dans les vidéos tournées sur cet événement sont impressionnantes et ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux.
À la manœuvre de cette libération massive, le Gouvernement de la République, par le truchement du Ministre de la Justice, son Excellence Constant MUTAMBA. Décidément, qu’on l’aime ou qu’on le déteste, le natif de la ville de Kisangani, qui se dit la “réincarnation” de Patrice LUMUMBA, apparaît comme l’homme-orchestre, l’un des ministres les plus proactifs du gouvernement actuel, là où certains de ses collègues restent aphones et peu visibles sur le terrain.
Bien évidemment, après l’effroyable tragédie du 2 septembre 2024, au cours de laquelle des centaines de prisonniers ont perdu la vie dans des conditions encore mal élucidées, nombreux sont les concitoyens qui se réjouissent de cette libération massive. Mais l’unanimité n’étant pas de ce monde, d’autres ont grincé des dents en assimilant cette libération à une consécration de l’impunité, voire à une décision sensationnelle et populiste.
Peu importe la thèse que l’on soutient, l’état de santé dans lequel certains de ces prisonniers ont été libérés a suscité l’émoi. On en a vu dans un état d’asthénie avancée, avec des plaies béantes, parfois incapables de marcher. L’un d’entre eux a même été évacué dans une brouette ! Voilà qui justifierait, entre autres, le désengorgement de cette maison pénitentiaire, où les conditions de détention ont régulièrement été décriées par les pensionnaires, les observateurs et de nombreuses organisations de défense des droits de l’homme.
Cependant, des inquiétudes planent concernant ces milliers de compatriotes relâchés. Pour la plupart, ils sont encore très jeunes. S’il est vrai que parmi eux se trouvent certains innocents, victimes expiatoires d’arrestations arbitraires, injustes et injustifiées, il est tout aussi vrai que parmi eux se trouvent de redoutables Kulunas, des violeurs, des voleurs, des bandits de grand chemin qui se sont illustrés dans des actes de forfaiture ayant gravement porté préjudice à de nombreux compatriotes. Maintenant qu’ils sont en liberté, que vont-ils faire de cette liberté retrouvée ? Ont-ils été suffisamment rééduqués, édifiés, assagis par leur séjour à Makala ?
Du côté des autorités ayant décidé de leur libération, concrètement, quelles mesures ont été prises pour leur réinsertion et leur resocialisation ? Comment va-t-on les surveiller, les encadrer de façon à ce qu’ils ne replongent pas dans l’incivisme, la délinquance ou la récidive ? C’est autant d’interrogations qui tempèrent quelque peu l’enthousiasme suscité par cette libération spectaculaire et sans précédent.
Il appartient à ces compatriotes de ne pas user et abuser de la “clémence républicaine” dont ils sont bénéficiaires.
En effet, dans les mêmes conditions, les mêmes causes produisent les mêmes effets, dit-on.
Si les anciens détenus tiennent à ne plus séjourner à la prison de Makala et à ne plus goûter à la sauce de “Vunguré”, ils n’ont qu’à s’autodiscipliner en renonçant à la délinquance et en adoptant un comportement civique, digne et responsable.
Il serait bien dommage et fort regrettable si, dans les heures ou les jours à venir, certains anciens détenus, grisés par l’euphorie de leur libération surprise, renouaient avec leurs vieilles et vicieuses habitudes, en se comportant comme les 300 renards attrapés et lâchés par SAMSON dans les champs de blé (Juges 15, 4). Partout où ils allaient, ils ne cessaient de provoquer des incendies et de la désolation.
Là alors, on dira simplement : “Dura lex, sed lex” (La loi est dure, mais c’est la loi).
Par Christian NZUZI LUKOKI, écrivain congolais
