Rédaction Alors que la toile s’enflammait encore suite au geste de dénonciation posé par les membres du gouvernement lors du 124ème conseil des ministres tenu vendredi dernier, le vice-Premier ministre et ministre de l’intérieur, de sécurité et des affaires coutumières, Peter Kazadi a mis du feu aux poudres à travers sa sortie médiatique en réaction aux manifestations qui se sont soldées par des attaques contre des représentations diplomatiques. « L’ennemi est à l’Est. Il ne sert à rien d’entretenir une tension dans la capitale de notre pays », a-t-il indiqué.
Au cours du conseil des ministres du vendredi 9 février, des membres du gouvernement central se sont affichés chacun avec une main sur la bouche et l’autre en signe d’arme pointée sur la tête, signe de protestation contre la situation d’insécurité dans la partie Est de la RDC et le silence de certaines puissances mondiales.
Un geste qui a été épilogué par plusieurs internautes congolais qui estimaient qu’il ne revient pas aux exécutifs, avec un pouvoir de décision, de dénoncer au même titre que le citoyen lambda qui n’a que sa voix pour s’exprimer.
La théorie du « fonctionnalisme »
En effet, la sociologue Liliane Voyé définit la théorie fonctionnaliste comme suit : « la société est une sorte d’organisme total, composée de diverses parties inter-reliées qui constituent autant de fonctions que l’on peut, par analogie, comparer aux diverses fonctions des organismes vivants : production, consommation, transport, communication. Tout comme les organismes vivants, la vie sociale évolue et c’est cette évolution dont il s’agit d’établir les lois ». Ce qui veut dire en terme clair, à chacun son travail.
Comme par simple coïncidence, une manifestation organisée le samedi 10 Février 2024 (le lendemain) à Kinshasa par des jeunes des mouvements citoyens protestant contre la dégradation de la situation sécuritaire dans l’Est de la République Démocratique du Congo, s’est soldée par des graves incidents.
Lors de cette manifestation, des attaques ciblées contre des représentations diplomatiques, des organisations internationales, et des installations de la mission onusienne ont été signalées dans la capitale. Aussitôt, une réunion d’urgence avec les responsables des services de sécurité, le ministre de la communication et médias était tenue par le vice-premier ministre et ministre de l’intérieur, de sécurité et des affaires coutumières Peter Kazadi, pour évaluer la situation.
A l’issu de cette dernière, le ministre de l’intérieur, s’adressant à la presse a dit comprendre les frustrations de la population face à la guerre entre la RDC et les rebelles du M23. Il a par la même occasion condamné les agissements des manifestants qui ont posé des actes constitutifs d’une violation des dispositions du droit international dans le sens qu’ils s’attaquent aux représentations diplomatiques et aux agences onusiennes.
Appelant la population à la sérénité, Peter Kazadi a estimé que ça ne sert à rien de manifester dans la capitale alors que la guerre se passe à l’Est du pays.
« Nous demandons donc à notre population de se calmer parce que le gouvernement de la République est conscient de ce qui se passe à l’est du pays. Le front se trouve à l’Est, l’ennemi est à l’Est. Nous devons consacrer notre énergie à attaquer cet ennemi, de combattre ensemble et nous sommes convaincus que nous allons le renvoyer d’où il est venu. Il ne sert à rien d’entretenir une tension dans la capitale de notre pays », a-t-il martelé Peter.
De toute sa missive, deux phrases ont attiré l’attention des internautes, « le front se trouve à l’Est, l’ennemi est à l’Est » et « Il ne sert à rien d’entretenir une tension dans la capitale de notre pays ». Des phrases qui ont suscité plusieurs réactions. Si pour certains, cette déclaration est un appel à l’apaisement, d’autres par contre y voient une minimisation de la situation par les autorités politico-administratives vu que la situation se déroule à des milliers de kilomètres de la capitale. D’autres vont même parler d’un découragement de la population à se solidariser quelle que soit la zone en conflit.
Une insouciance des dirigeants face à la situation du pays ?
Le tollé qu’a fait cette déclaration du patron de la sécurité du pays a remis sur table les différentes déclarations faites par des hautes personnalités du pays et qui ont suscité l’indignation. C’est le cas de celle faite par le patron de l’IGF, Jules Alingete devant des investisseurs américains en 2022.
Dans son intervention lors de la première édition du North South Investissements Forum (NSI) tenue du 26 au 28 avril à Houston aux Etats-Unis, il avait déclaré qu’il ne servait à rien de s’inquiéter de l’insécurité en RDC car cela se déroulerait à 2000 kilomètres de la capitale.
“Soyez-en rassurés, nous n’avons pas la guerre au Congo. Nous voyons la guerre à la télévision, nous sommes à Lubumbashi, à Kinshasa, à Mbandaka, dans les grandes villes. Nous n’avons jamais vu la guerre au Congo. Donc, c’est une situation à plus de 2.000 km des institutions, dans des zones isolées qui sont riches en minerais et en or et qu’il y a des groupes armés et terroristes qui opèrent pour exploiter illégalement les minerais”, avait déclaré Jules Alingete.
Ces déclarations ajoutées à d’autres, amènent à se poser des questions sur le niveau du patriotisme des dirigeants de la RDC. Une situation qui pousse la population à se demander si la situation actuelle à l’est tient à cœur ses dirigeants.
En attentant, certains caricaturistes ont conçu une image sur laquelle on peut voir Kinshasa la capitale congolaise se partageant les frontières avec le Rwanda, avec une légende : « si c’est Kinshasa qui était voisin direct du Rwanda et que le Rwanda attaque la RDC à partir de là, la réaction serait la même que celle actuelle ? ».
« On ne sait pas dormir tranquillement quand son petit doigt a été mordu par un serpent », la situation de l’Est devrait préoccuper sérieusement les dirigeants congolais.
Frédéric BAGALWA
